La saga des événements continue pour la Ferme des Enfants !
Nous venons de découvrir à nos dépends le contexte politique offensif de l’inspection à l’égard des apprentissages auto-dirigés. Les écoles démocratiques sont sur la sellette, et les inspections deviennent intransigeantes : soit les écoles s’alignent sur une pratique qui oblige l’élève à étudier le socle commun sous la direction de l’adulte, soit elles sont menacées de fermeture. Les formes que prennent les inspections connaissent des variantes selon l’Académie, mais l’issue est sensiblement la même : obéir ou disparaître.
Les apprentissages auto-déterminés n’ont pas de légimité sur le territoire français, semble-t-il, sauf à pouvoir prouver que les jeunes étudient pareillement à leurs concitoyens qui fréquentent les écoles de la République, sur les mêmes thématiques et avec des résultats comparables, évalués à l’aune de repères purement « scolaires ». D’après nos inspecteurs, certains unschoolers répondent à ces critères, avec le soutien actif de leurs parents semble-t-il, alors capables de montrer un contenu et des progressions valides lors des contrôles. La problématique rencontrée dans les écoles démocratiques est un peu différente : nous offrons à un groupe d’enfants et d’adolescents un contexte structuré, riche en possibles, en leur donnant la liberté de choisir quel usage ils en font.
À la Ferme des Enfants, ils parcourent ainsi eux-même le marché des compétences, offrant de multiples cours et ateliers tout au long de l’année, pour construire leur propre emploi du temps, dans la liberté de choix. Ainsi, il est vrai, certains préfèrent les activités informelles au cadre plus ordinaire des activités planifiées et il nous est difficile, voire impossible, de garantir, pour tous, tel apprentissage à tel âge. Plusieurs heures d’entretiens et de débats avec nos interlocuteurs n’ont pas réussi à les convaincre que la non-obligation n’était pas un obstacle à l’apprentissage, mais au contraire un moyen pour chacun de se le réapproprier avec enthousiasme et profondeur. La confiance nécessaire pour accompagner l’apprentissage dans ce contexte manque à une pensée conditionnée par plus d’un siècle d’école conventionnelle, et des millénaires de domination de l’adulte sur l’enfant.
Qu’à cela ne tienne. Nous avons quant à nous pris acte des exigences de l’administration et procédé à une consultation de notre équipe et de nos jeunes citoyens, puis décidé de réinstaller un temps minimum d’apprentissages formels à partir de la rentrée du 9 mars 2020. Tous les matins, de 9h à 11h, l’ensemble des citoyens sera donc en situation d’apprentissage formel, en suivant un plan de travail (pour les 6-12 ans) ou bien des cours (collégiens). Le reste du temps sera consacré à des activités librement choisies : cours complémentaires, ateliers ou activités informelles…
Si la véritable liberté consiste à choisir ses contraintes, nous avons choisi celle-ci, tandis que d’autres écoles démocratiques choisissent de se battre juridiquement pour faire valoir leurs droits à une pédagogie différente qui doit être comprise et intégrée dans toutes ses dimensions, et non pas soumise à une critique réductrice et partiale.
Nous continuerons de soutenir le mouvement des écoles démocratiques et son combat pour la liberté tout en menant notre petit bonhomme de chemin à partir des choix d’adaptabilité qui sont les nôtres, et qui varieront et évolueront au fil des décisions prises démocratiquement au sein de l’école.
La Ferme des Enfants, le 28 février 2020